Le management de la diversité présente de nombreuses similitudes avec le management interculturel dont il a tout intérêt à s’inspirer.
Le management inclusif d’une équipe diverse présente de nombreuses similitudes avec celui d’une équipe interculturelle. Les leaders rompus à l’exercice d’animer une réunion en visio avec leurs collaborateurs basés à São Paulo, Austin, Johannesbourg, Marseille et Shenzhen, ont beaucoup à nous apprendre sur la façon de gérer au mieux les talents de la diversité.
Commençons par corriger une idée reçue. En formation, beaucoup d’entreprises globales nous confient penser qu’elles pratiquent déjà un management inclusif parce qu’au quotidien, elles brassent un environnement multiculturel.
Or, une équipe d’ingénieurs issus des villes citées dans l’introduction présente à bien des égards une homogénéité plus grande qu’une team marketing parisienne comprenant un senior, une lesbienne et un jeune des “quartiers” ! Si le management de la question interculturelle n’est donc pas un visa pour celui de la diversité, il présente en revanche l’avantage d’avoir été bien étudié et de ne pas être trop polémique… si ce n’est d’être accusé d’entretenir certains stéréotypes : les Français sont comme ci, les Allemands sont comme ça, quant aux Chinois etc. (nous y reviendrons ).
Faites preuve de souplesse
Les spécialistes du management interculturel distinguent ainsi plusieurs axes qui nécessitent une approche différenciée : doit-on être explicite ou implicite dans sa communication interpersonnelle, peut-on être direct dans ses critiques et aller jusqu’à l’affrontement ou pratiquer l’évitement, est-on meilleur manager en maintenant une distance hiérarchique ou en favorisant le consensus, la gestion du temps et des horaires est-elle plus efficace quand elle est rigoureuse ou quand elle est souple etc.
Il n’existe évidemment pas de réponse toute faite : certains de vos collaborateurs ont besoin qu’on leur lâche la bride, d’autres qu’on soit très présent, d’autres encore l‘un ou l’autre suivant le moment. C’est cette souplesse qui doit vous guider en l’appliquant au management de la diversité, au sens des 25 critères retenus par la loi (appartenance ethnique, orientation sexuelle, handicap etc.)… ou même élargi à de nouvelles formes encore non reconnues officiellement (hauts potentiels, personnes à chrono-biologie particulière etc.) (cf. nos articles sur la diversité).
Même si vous vous targuez d’être un excellent manager, il n’existe pas de modèle universel. Si demain, vous partez diriger une équipe au Brésil ou en Inde, vous savez que vous devrez adapter certains points de votre façon de diriger. Manager une équipe inclusive, c’est un exercice quotidien du même style. Vous devez apprendre à relativiser. Les Japonais ont une expression très imagée : “écouter l’air”.
Quand vous assistez à un discours, vous savez que l’expérience va au-delà des mots prononcés par l’oratrice. Ils disent une chose mais les gestes, son visage en disent (peut-être) une autre. Même l’ambiance de la salle, suivant qu’elle est attentive ou dissipée, participative ou passive, colore l’air d’une aura particulière et affecte votre ressenti du discours. Le management inclusif exige donc beaucoup de souplesse.
Soyez déductif et inductif
Cet article ne peut rentrer dans tous les détails du fonctionnement cognitif des personnes représentatives de la diversité, leurs caractéristiques sont évidemment trop nombreuses. Mais il existe un point d’ancrage qui les résume toutes : les personnes que vous managez ressortent-elles du mode déductif ou inductif ? Cette notion, particulièrement importante en ce qui concerne les mécanismes de la créativité (cf. nos articles sur le sujet), vous sera également très utile dans la gestion des talents au quotidien. Dans le mode déductif, la question qui prime est “pourquoi ?” : n’espérez pas que votre collaborateur à haut potentiel effectue la moindre tâche correctement s’il n’en saisit pas la finalité.
À défaut, il peut même remettre en cause votre autorité qui, pour lui, ne coule pas de source. Dans le mode inductif, un collaborateur handicapé se concentrera plus sur le “comment ?”, quitte à laisser au second plan l’objectif, mais il remettra rarement en cause la hiérarchie, parce que cette question présente peu d’intérêt pour lui. Rares sont les personnes conscientes de leur façon de penser, il vous reviendra donc très certainement de le déterminer et d’approcher chacune avec le mode qui lui convient : pourquoi vous lui demandez telle chose ou comment il ou elle peut y parvenir.
Soyez plus explicite
Ça va sans dire… mais ça va encore mieux en le disant : dans le doute, ne choisissez pas un mode de communication implicite : soyez explicite. Si vous devez conduire un entretien d’évaluation avec un collaborateur dont vous craignez qu’il le prenne mal, qu’il n’en saisisse pas les enjeux ou ne lui accorde pas l’importance que cela mérite, commencez par dire ce que vous attendez du rendez-vous. Précisez notamment que les reproches sont des axes d’amélioration et ont trait à des faits constatés, des résultats non atteints, mais pas à la personne. Appliquez ce bon vieux principe de la communication : dites ce que vous allez faire avant, dites ce que vous faites pendant, dites ce que vous avez fait après.
Attention, il ne s’agit évidemment pas de prendre votre interlocuteur pour un idiot mais de vous assurer que vous vous faites bien comprendre par quelqu’un qui a un mode de pensée qui diffère du vôtre. Suivant les personnes, utilisez des termes “intensifiants » (c’est “absolument” nécessaire, il faut “vraiment” que tu te reprennes etc.) avec les personnes inductives ou “atténuateurs » (c’est un problème “plutôt” embêtant, on est “en quelque sorte” pénalisés par cette situation etc.) avec les déductifs.
Pratiquez l’auto-dérision
Enfin, prenez les choses avec philosophie et avec le sourire. Mais ne pratiquez pas nécessairement l’humour… qui n’est pas la chose la mieux partagée du monde : ce qui fait rire les uns risque de choquer les autres et inversement. La seule forme d’humour que vous pouvez assumer sans risque pour désamorcer une situation délicate est celle à votre détriment. L’auto-dérision montre que vous ne vous prenez pas au sérieux.
En vous dépréciant légèrement, vous montrez par contraste votre appréciation pour l’autre. En endossant le rôle du “pas très fin”, vous permettez au collaborateur issu des quartiers, qui n’a pas les bons codes, de ne pas perdre la face : “Tu me connais, je suis pas très doué pour parler d’jeun’s alors ré-explique-moi comment tu comptes t’y prendre”.
À retenir
Vous pouvez emprunter au management interculturel ses notions de souplesse et de classement déductif/inductif, l’importance d’être plus explicite et de savoir faire preuve au besoin d’auto-dérision, pour les appliquer au management inclusif. Mais attention ! “Les personnes en situation de handicap sont comme ci, les LGBTQIA+ sont comme ça, quant aux HP etc.” : les stéréotypes concernant la diversité sont aussi nombreux que ceux sur les nationalités. Et comme tous les stéréotypes, ils véhiculent leur lot d’idées toutes faites dont certaines peuvent être franchement nauséabondes.
Rappelons à ce sujet que la loi punit les discriminations concernant 25 critères de diversité, avec circonstances aggravantes en matière de racisme, d’anti-sémitisme, de sexisme et d’homophobie. Avant d’être noirs, en surpoids ou seniors, vos collaborateurs et collaboratrices sont des individus dotés de caractéristiques uniques. Tous uniques, donc tous différents. Les mettre dans des catégories pour mieux parvenir à communiquer avec eux, oui ; pour les y enfermer et/ou les discriminer, non. Manager la diversité, c’est aussi accepter de partir à la découverte de ce qui est spécifique à chacun.